À la fois sur le front de la rédaction Web et celui du Webmarketing, le chef de projets Web éditorial est au cœur de l’animation du site Internet, agissant tel un rédacteur en chef. Interface entre son client, ses prestataires et son équipe, et garant de la structuration et du suivi éditorial, le chef de projets Web éditorial met en œuvre et articule toutes les ressources nécessaires pour une visibilité optimale des sites Web.
Découvrez le point de vue de Mathias Riquier, chef de projets Web éditorial du site Internet de l’émission Tracks, diffusée sur Arte.
1 – Pouvez-vous présenter votre activité en quelques mots ?
En résumé, je « m’occupe du site web et de l’application » de Tracks, pour le compte de la société de production qui fabrique l’émission pour Arte. Cela inclut les aspects « édito », comme la bonne tenue du rendement éditorial, la rédaction, la relecture, l’iconographie et la mise en page, mais aussi certains aspects davantage liés à la gestion de projet, comme le suivi de la maintenance en collaboration avec la chaîne et l’entreprise de développement web. Le but global est de servir la visibilité du programme et d’offrir du contenu supplémentaire qui colle à l’esprit « Tracks » au quotidien.
2 – Quel est votre parcours / formation ?
J’ai un Bac scientifique, j’ai ensuite obtenu une licence de sociologie (pour la logique, on repassera) à l’université de Rennes 2. Après une maîtrise mélangeant sociologie, prospective et technologies de la communication, je me suis réorienté vers un master infocom axé sur les métiers de l’édition web à l’université de Nantes. Parallèlement, j’ai participé à beaucoup d’associations, notamment des radios étudiantes et des webzines, pour me faire la main.
3 – À quoi ressemble votre quotidien ? Lequel des rôles du chef de projet Web éditorial est le plus mis en avant ?
Je passe beaucoup de temps à échanger avec mes interlocuteurs : chefs d’édition chez Arte, traducteurs (tout ce que l’on écrit doit être disponible en version allemande), responsables de la bonne tenue technique du site web… Chaque jour, je m’octroie un moment pour faire de la veille informationnelle et trouver des sujets d’actualité, j’en discute beaucoup avec ma collègue community manager et avec la rédactrice web qui travaille avec moi. Je passe aussi régulièrement du temps à monter des petites pastilles vidéo issues des « rushes » des reportages, pour créer du contenu vidéo complémentaire à l’émission. Au final, l’aspect éditorial me prend pas mal de temps, notamment préparer tous les articles liés à l’émission diffusée le samedi, avec des informations qui permettent « d’aller plus loin » sur le sujet.
4 – La fonction Web éditoriale est encore récente, on demande souvent aux chefs de projets Web éditoriaux d’être un peu sur tous les fronts, voire de mettre la main à la pâte (gestion de projets, gestion de contenu, rédaction, référencement, community management, etc.). Pensez-vous qu’il faille plus compartimenter ces tâches ou que ces missions sont indissociables ?
Dans les faits, c’est toujours au cas par cas, en fonction des moyens de chaque société et de leurs velléités de présence éditoriale. On demande toujours aux éditeurs web de savoir tout faire, on les forme pour ça (c’est mon cas) mais le risque, c’est de n’être très bon que dans peu d’aspects. De plus, l’édition et le community management, par exemple, sont deux métiers qui n’ont que leur plateforme d’expression en commun, mais qui appellent des compétences différentes. De fait, on trouve beaucoup de community managers « par défaut » : pendant mes quatre ans en tant que rédacteur en chef web pour le magazine Tsugi, j’ai fait ce travail parce que personne ne considérait comme essentiel de compartimenter. C’était donc de l’impro ! Et je n’avais aucune notion en communication, j’ai donc géré ça le plus « à l’instinct » possible.
En fait, je pense que tous ces métiers ne doivent pas être pris comme de simples aspects d’un grand pool de compétences, que toute personne ayant pour but de travailler dans le web devrait posséder. Mais il est évidemment nécessaire d’avoir une lecture de l’ensemble du processus pour faire un job qui s’y intègre le mieux possible. Tout rédacteur doit avoir une réelle maîtrise du référencement car c’est ce qui structure, en sus des aspects éditoriaux, son article. Et un community manager doit savoir utiliser un backoffice de site web, au moins pour corriger une coquille de son/sa collègue. Les chefs de projets, dans le même genre, sont presque à chaque fois « chefs et commis » par manque de moyens. Tout cela, j’espère, sera amené à évoluer en même temps que la structuration des modèles économiques de l’éditorial web, et que ces métiers seront capables de prendre de l’ampleur dans des équipes soudées et avec des processus de travail optimisés en leur sein. Pour l’instant, dans trop d’entreprises, il y a juste « celui/celle qui s’occupe du web » au fond de l’open space…
5 – En analysant votre parcours, on devine votre goût pour la musique. Ce qui vous a d’ailleurs amené à développer votre expérience du Web au sein de sociétés connues sur d’autres canaux (en l’occurrence la radio – Radio France – et la télé – Arte). Comment concilie-t-on ces différents médias ?
C’est vrai que la musique est davantage le fil conducteur de ma chronologie professionnelle que le support en tant que tel. Ceci dit, le dénominateur commun à toutes ces expériences est encore une fois le web : que ce soit pour Tracks, pour l’émission dont je m’occupais à France Inter ou encore à Tsugi, la grande partie de mes missions sont (ou étaient) liées à l’édition web. En radio, mon job était davantage axé « production » : réservation de studios, calage des enregistrements selon le planning des invités, documentation pour l’animateur… Et animation de la page web, avec un peu de social media en sus. La télé et la radio sont deux médias qui continuent à se porter correctement (mieux que la presse papier en tout cas), car elles utilisent des formats « linéaires » qui sont appréciables en tant que tel (on se greffe à un flux en allumant sa télé ou sa radio) et suffisamment différenciés de ce qui se passe sur le web, sur lequel les nouveaux formats innovants ne pullulent pas, quoi qu’on en dise. Mais ces deux médias historiques, sur certains aspects, ont désormais un besoin vital d’exister sur le web, par la délinéarisation des contenus, par l’existence de contenus propres, par une offre réellement bi-média et par des concepts novateurs, comme la diffusion bi-écran synchronisée ou la création de plateformes exclusivement web (l’exemple de RF8 chez Radio France est parlant). Avoir conscience de cela, c’est aussi se permettre de pouvoir mobiliser le même panel de compétences tout en changeant de « coquille », ce qui permet, en sus, d’engranger des expériences supplémentaires qui sont passionnantes. Le web est tellement devenu transversal, c’est une chance inouïe pour notre corps de métier.
6- Quels outils / langages utilisez-vous ? Pensez-vous que des connaissances en HTML/CSS, PHP et JavaScript, etc… soient indispensables dans ce métier ?
Indispensables, non. Utiles, oui, surtout en HTML. Disons que c’est toujours pratique de savoir « comment ça marche » de manière générale, et de savoir mettre les mains dans le moteur pour des détails tout simples. Le backoffice de Tracks n’utilise même pas de fonction d’édition HTML, tout est extrêmement normé, donc quelqu’un qui n’a aucune compétence là-dedans pourrait s’en sortir. Ce qui n’était pas le cas avant dans mes précédentes missions, où je devais « bidouiller » un peu. Je me suis même improvisé développeur en changeant à la main des choses sur la home de l’ancien site de Tsugi. Mais je n’ai aucune formation en PHP, ni en JavaScript. Comme beaucoup de digital natives, je compte me former seul au moment où la nécessité apparaîtra… Après, si il y a du développement et de la maintenance en jeu, c’est un autre job, et là, il faut être formé…
7- Quels conseils donneriez-vous aux personnes débutant dans le Web et visant un poste de chef de projet Web éditorial ?
Au-delà des connaissances concrètes, ce qui apparaît indispensable, c’est d’être débrouillard, savoir mobiliser ses contacts et activer la notion d’entraide pour un pépin, apprendre « sur le tas », bref, d’avoir une « fibre geek » qui inclut des facilités techniques et sociales. L’édition web est par définition un job extrêmement mouvant et évolutif, il faut donc savoir « aspirer » les informations et les compétences nouvelles, les maîtriser et les mobiliser rapidement. Et si la passion est là, c’est un bénéfice non négligeable…